« Nous reconnaissons que le principe essentiel guidant le mouvement des droits des animaux est le principe de non-violence.» (Gary L. Francione, avocat, professeur de droit et militant)
Les médias ont fait grand cas, ces derniers jours, de poursuites judiciaires que les chasseurs de phoques veulent intenter contre certains opposant(es) à la chasse commerciale du phoque. Pour M. Léonce Arseneau, leur porte-parole et cité dans le Journal de Montréal et de Québec, les opposant(e)s sont tous des « militants végétaliens extrémistes », utilisant la violence pour parvenir à leurs fins.
Il est curieux de constater que cette démarche des chasseurs intervient juste avant leur saison de chasse. Leur «poursuite judiciaire » serait-elle une stratégie pour s’attirer la sympathie du public et de certains médias? Une lettre de menaces de mort datant de 2008 a été largement diffusée sur Internet par les chasseurs. On peut se demander pourquoi les chasseurs, s’ils se sentaient si menacés, ont laissé passer tout ce laps de temps avant de porter plainte. Il est important de souligner que plusieurs courriels visés par les chasseurs viennent de France et que la majorité d’entre eux ne concernent pas des activistes du Québec. Il faudra aussi vérifier l’authenticité de ces courriels pour savoir s’ils proviennent vraiment d’opposant(es) ou de provocateurs pro-chasse au phoque se faisant passer pour des activistes.
La multitude d’opposant(es) à la chasse commerciale du phoque le font dans la légalité et la non-violence. Il y a parfois des débats musclés et virils – comme disent les sportifs – des paroles lancées dans le feu de l’action entre les opposant(es) et les chasseurs dans les forums de discussion, paroles pouvant dépasser la pensée de chacun. Mais cette lettre de menace de mort n’est pas représentative de l’activisme québécois et la personne qui l’a écrite devrait s’excuser publiquement car elle éclabousse tous les activistes. Ce n’est pas avec de tels propos que les débats d’idées et d’opinions vont avancer. Mais y’a-t-il vraiment des débats autour de la chasse commerciale du phoque au Canada, dans les médias ou ailleurs? Est-ce que la parole est donnée aux opposant(es) pour expliquer leur point de vue ou ne voit-on pas plutôt des tentatives pour les intimider, les censurer afin d’installer un climat de peur pour qu’ils se taisent?
De fausses identités
Selon M. Arseneau, la plupart des personnes qui envoient les « messages menaçants » se cachent sous de fausses identités. Cependant, il oublie de mentionner que de nombreux activistes du Québec reçoivent depuis plusieurs années de tels messages provenant de pro-chasse au phoque cachés sous de fausses identités, dans des courriels privés, sur des forums publics ou sur Facebook.
Certains opposant(es) ont été obligés de ne pas dévoiler leur nom véritable car ils recevaient des courriels privés contenant des propos injurieux. Adresses personnelles et numéros de téléphone ont circulé sur le site Facebook des chasseurs « Chasse aux phoques : Stop aux mensonges », des agissements illégaux dans un espace public pouvant être vu par tous. Cette hargne envers les opposant(es) est-elle représentative de tous les habitants des Iles de la Madeleine? Je suis certaine que non. (Pour ma part, j’ai été dans l’obligation de m’inscrire sur Facebook il y a deux ans, parce que sur le groupe public des chasseurs on pouvait lire des propos diffamatoires à mon sujet. Ils insinuaient, entre autres, que je postais des messages violents sous un faux nom. J’ai toujours été inscrite sur Facebook sous mon vrai nom et toujours écrit mes textes d’opinion sous mon vrai nom aussi. Je n’ai jamais non plus posté de message sur le groupe des chasseurs. A noter qu’AHIMSA est un terme signifiant non-violence en sanskrit et qu’il a été popularisé par Gandhi, dont j’admire la pensée et la vie. Gandhi militait pour une non-violence globale, autant envers les humains, les animaux que la planète.)
L’image des chasseurs
Dans ses déclarations au Journal de Montréal et de Québec, M. Arseneau accuse aussi les « militants végétaliens extrémistes », d’aller sur des sites européens pour « ternir l’image des chasseurs ». Il oublie de mentionner, là encore, que l’image des chasseurs s’est ternie inexorablement au cours des quarante dernières années, bien avant la naissance de PETA ou de d’autres organismes des droits des animaux. Pour ma part, j’ai vu les premières images de massacres de bébés-phoques en 1976 à Radio-Canada, des scènes d’une violence inouïe dans des aires où les mères phoques venaient à peine d’accoucher.
C’est grâce au travail de sensibilisation de Mme Brigitte Bardot et de d’autres militants pour la cause animale que les tueries de bébés-phoques ont cessé en 1987. N’eut été de leurs interventions, les chasseurs de phoques continueraient encore d’assommer des bébés-phoques naissants, sans aucun souci de bien-être animal ou d’éthique. (1)
Démoniser les végétariens/végétaliens
Il y a deux ans j’ai commencé une série de textes sur la chasse commerciale du phoque , suite aux propos médiatiques de Mme Céline Hervieux-Payette dans lesquels elle traitait les opposant(es) à cette chasse,de « mangeux de carottes » ou « d’extrémistes à la solde de lobbies végétariens. »
Dans son ultime tentative pour sauver la chasse au phoque du boycott de l’Union européenne, en octobre 2007, elle écrivait au président français M. Sarkosy pour se plaindre de ceux qui « discréditent l’image du Canada, les animalistes c’est-à-dire des fondamentalistes de la cause animale … je crois que l’objectif de ces groupes dits de défense des animaux n’est pas la protection animale mais la volonté d’imposer à terme leur vision morale de la société qui passe inéluctablement par le végétarisme. »
Une déclaration qui elle-même discrédite à la fois les végétariens et les opposant(es) à la chasse au phoque en les associant au fondamentalisme, à la manipulation et aux détournements monétaires. Dans sa lettre à M. Sarkozy, Mme Hervieux-Payette justifiait son affirmation que les « organisations animalistes manipulent les émotions dans un but lucratif » en donnant des chiffres provenant du Center for Consumer Freedom (CCF), un groupe de lobbying multimillionnaire, anti-démocratique et d’extrême-droite américain qui fait des campagnes médiatiques haineuses contre les défenseurs des animaux, dont la Humane Society des Etats-Unis (HSUS) et PETA.
Le CCF est assez mal placée pour donner des leçons d’éthique aux groupes de défense animale. Alors qu’il se présente comme un organisme à but non-lucratif, il empoche des millions venant de diverses multinationales pour qui il fait son lobbying et ses états financiers demeurent secrets. Tout le travail de la CCF en est un de diffamation et d’insultes autant envers les défenseurs des animaux, les écologistes ou les organismes qui militent pour des réglementations contre le tabac, le sucre ou l’alcool au volant. Le président du C CF ,Rick Berman, a déclaré: « Notre stratégie offensive est de tirer sur le messager…nous devons attaquer leur crédibilité en tant que porte-parole.» (2)
A chaque fois que Mme Payette prend la parole dans sa croisade pour l’industrie du phoque, dans les médias ou dans ses communiqués, elle ne manque jamais l’occasion pour faire des amalgames entre le végétarisme, la violence et les défenseurs des animaux. Elle en fait presque une fixation. Ses propos ne reposent pas sur des arguments ou des faits sur la chasse elle-même, mais essentiellement sur du dénigrement et des propos menaçants envers ceux qui s’y opposent : « Les lobbies végétariens sont devenus des extrémistes qui ne respectent pas nos institutions démocratiques et utilisent des manières sauvages pour arriver à leurs fins. Cela jette un profond discrédit sur la cause qu’ils défendent. »
En parlant des opposant(es), elle déclarait, devant le Sénat, en 2009 : « J’en appelle donc au gouvernement pour que tous les moyens soient mis en œuvre afin que cessent les pressions insupportables de ce lobby végétarien sur le sol canadien.»
Des organisations de défense animale aussi diverses que l’International Fund for animal Welfare (IFAW), la Société Protectrice des Animaux (SPA), la Fondation 30 millions d’Amis et la Fondation Franz Weber (FFW) militent activement contre la chasse commerciale du phoque depuis des décennies. Dès la fin des années 1970, la Fondation Franz Weber s’est déplacée avec des observateurs pour documenter cette chasse. Toutes ces organisations sont légales et non-violentes. Malgré cela, au cours de leurs prises de position ou de leurs observations de la chasse elles ont dû subir harcèlement, menaces de mort et même agressions de la part de chasseurs en colère.
Démoniser les végétariens
M. Arseneau tente, sur toutes les tribunes, de mettre dans le même sac l’ensemble des opposant(es) à la chasse commerciale du phoque en les présentant comme des terroristes. Il cherche à démoniser les végétariens/végétaliens, en alimentant une forme de paranoia à leur égard. Sur la page Facebok des chasseurs, il y a quelques jours, il osait même écrire que les opposant(e)s sont des « terroristes-végé-animalistes » qui éduquent leurs enfants dans le terrorisme à la manière « d’Hitler et d’aiqua ida .» (lire Al Quaida) « Il faut se débarasser des animalistes », a-t-il affirmé récemment sur la page officielle du Parti Vert du Québec qu’il inonde de propos injurieux envers les défenseurs des animaux.
Liberté d’expression?
Le gouvernement fédéral a dépensé près de 2 millions $ pour surveiller ce que les journalistes ont raconté sur lui en 2010. Il a aussi payé 75 000 $ à une firme torontoise pour surveiller les propos tenus sur la chasse au phoque sur Facebook ou les forums de discussion. Les fonctionnaires répondaient en ligne sous de fausses identités, sans s’identifier comme faisant partie du gouvernement.
Où est la liberté d’expression garantie par la Charte des droits et libertés? Donner son opinion est-il devenu un délit?
Est-ce que Mme Hervieux-Payette est d’accord pour que l’adresse personnelle ou les numéros de téléphone des opposant(es) à la chasse soient publiés sur le site public des chasseurs de phoque, dont elle est administratrice avec d’autres membres du gouvernement? A-t-elle démontré son désaccord lorsque les chasseurs de phoques ont violemment attaqué les observateurs, les députés européens et les journalistes internationaux venus observer la chasse aux phoques au Canada, en 2006? Est-ce qu’elle donne son appui à de tels agissements criminels?
Gary L. Francione, déjà cité, résume bien la position d’une grande majorité d’opposant(es) à la chasse commerciale du phoque ou de défenseurs des animaux quand il déclare : « Je pense que le mouvement abolitionniste pour les droits des animaux doit avoir une approche non-violente, autant au niveau des relations individuelles qu’en tant qu’idéologie (…) le mouvement pour les droits des animaux doit se voir comme le prochain pas dans le mouvement pour la paix; en tant que mouvement qui dans un autre pas rejette l’injustice. Le problème de l’exploitation est complexe et a des racines… dans notre odieuse tolérance à la violence envers le plus vulnérable. Non seulement la violence est problématique sur le plan moral, elle l’est aussi en tant que stratégie.»
Marjolaine Jolicoeur – 2010
(1) De nos jours, 98 % des phoques tués par la chasse commerciale sont âgés entre 12 jours et 1 ans dans ce qui peut être qualifié comme la plus grande tuerie de mammifères marins au monde. Mais il semble difficile de contrôler les agissements des chasseurs. Certains d’entre eux ont déclaré à des agents du ministère de Pêches et Océans (MPO) lors d’enquêtes rendus publiques suite à des demandes d’accès à l’information : « …J’ai vu sept bébés jetés par-dessus bord après le dépouillement de la femelle. Nous étions dans l’aire de mise bas le 10 mars 1998 parce que j’ai remarqué qu’il y avait, sur huit des dix radeaux de glace, de jeunes bébés phoques avec les résidus post-partum et d’autres débris suite à la naissance sur les glaces…» « J’ai vu une femelle être dépouillée et son bébé est sorti de son ventre lorsqu’on l’a éventrée. Le petit était mort. …Le phoque était mort depuis un bon moment. Ce jour-là, on en avait attrapé cent soixante-dix. Quelqu’un a dit : « Si seulement Greenpeace était là pour voir ça»
Marjolaine Jolicoeur – 2010
http://www.lepost.fr/article/2010/03/30/2011609_cruelle-la-chasse-aux-phoques.html
(2) www.consumerdeception.com/append4.asp
http://www.prwatch.org/node/8894
C’est certain que les chasseurs vont toujours TROUVER de bonnes raisons pour tuer!….mais ils ne disent pas tout!!!!!