J’ai commencé à m’intéresser à Sogyal Rinpoche vers 1995, pour des raisons personnelles.  Des rumeurs circulaient déjà dans ces années là sur lui: abus physiques et sexuels sur des jeunes femmes, humiliations publiques de disciples, consommation effrénée de  viande, sandwichs au jambon servis à Lérab Ling, un lieu bouddhiste. Ce n’est que tout récemment (2017) que Sogyal a quitté  ses fonctions de directeur spirituel de son organisation Rigpa, après des années d’aveuglement de la part de ses disciples. – Marjolaine Jolicoeur 

 En tibétain  le terme Rinpoche signifie « précieux ».   Sogyal Rinpoche, célèbre représentant de cette lignée de « lamas incarnés»,  est devenu mondialement connu dans les années 1970.  Son « Livre tibétain de la vie et de la mort » s’est vendu à plus de 2 millions d’exemplaires depuis sa parution en 1992.

Il a fondé  l’Association Rigpa composée de 130 centres bouddhistes dans 41 pays à travers le monde, tout en étant le directeur spirituel. Le centre de retraite Lérab Ling situé près de la ville de Lodève en France  a été lui aussi fondé par Sogyal en 1991.  En 2008, un temple est érigé sur les lieux au coût de plus de 8 M d’euros ; il fut inauguré en grande pompe en présence de nombreux politiciens français et du Dalaï-lama.

Culte de la personnalité

Depuis de nombreuses années pourtant beaucoup de rumeurs sordides circulaient à son propos. Malgré des faits indéniables,  dirigeants de Rigpa, disciples et le Dalaï-lama gardèrent le silence.

En 1994 une disciple américaine de Sogyal le poursuivit pour abus physiques, moraux et sexuels. Il lui disait qu’en la battant, elle obtiendrait plus rapidement l’illumination! La cause sera réglée hors cour avec un dédommagement de 3 M $ US, selon certaines sources.

Malgré ce scandale  l’enseignant bouddhiste continua sa vie de pacha, vivant dans le luxe entouré d’une dizaine de jeunes femmes, sorte de harem tantrique, répondant à toutes ses demandes sexuelles, sous la menace de sa violence verbale et physique. D’autres disciples seront battus à coups de pied ou de poing, en privé et même lors d’événements publics.  (Il a frappé une nonne d’un coup de poing au ventre devant une assemblée de  plus de 1000 étudiants à Lérab Ling, en août 2016 ).

Un carnivore sanglant

Sogyal est un avide mangeur de bœuf, en consommant parfois jusqu’à 3 fois par jour. Une disciple en charge de la cuisine a mentionné que, lors des ses déplacements, elle visitait les boucheries locales afin d’y  prendre des photos des meilleures  – et onéreuses – pièces de viande. Par la suite elle devait les présenter à Sogyal pour qu’il approuve les achats.  Le gourou aime la viande mais aussi le vin, le cigare, les films violents et d’horreur.

Pendant ce temps, lors de ses enseignements publics,  le faux Rinpoche parlait de paix, de non-violence et de compassion.

Bouddhisme Vajrayana

Les enseignements de Sogyal proviennent du bouddhisme Vajrayana nommé aussi bouddhisme tantrique.

Chatral Rinpoche (1913-2015) fut l’un des plus farouches opposants à la consommation de viande par les pratiquants de ce type de bouddhisme : « Si vous mangez de la viande cela va à l’encontre des voeux que l’on prend quand on prend refuge dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha. Car quand on prend de la viande on doit prendre la vie d’un être sensible. J’ai donc renoncé à la viande ».

Ce yogi qui, chaque année, rachetait la vie de milliers d’animaux en Inde considérait aussi que  « la viande, l’aliment impur n’est pas permise si on a pris les 3 voeux : vœu de libération individuelle, vœu de Bodhisattva ou vœu Tantrique. Le Bouddha a dit : « Je n’ai jamais approuvé, n’approuve pas et n’approuverai jamais la consommation de viande, mes disciples ne doivent pas en manger».

Viande et bouddhismeShabkar

Shabkar Tsodruk Rangdrol (1781-1851) a rédigé  nombre d’ouvrages, dont une autobiographie très populaire dans la littérature tibétaine.

Il raconte qu’un jour  – en 1812 – alors qu’il se trouve au temple principal de Lhassa, il vit de nombreux cadavres de moutons et de chèvres qui avaient été abattus. « J’éprouvais alors une douloureuse compassion envers tous les animaux que l’on tue pour leur chair dans le monde entier ». Il fit alors le vœu suivant : « Désormais, je ne commettrai plus l’acte vil de manger la chair des êtres qui, tous, jadis, ont été ma mère ».

D’autres pratiquants du bouddhisme ont dénoncé la consommation de viande.

Le vajradhara Réging Trichen disait : « Les bodhisattvas qui aspirent ardemment au goût de la viande affaiblissent leur compassion. Ils doivent s’en abstenir! »

Dans le Lankavatara Sutra,  le Bouddha lui-même aurait déclaré : « Un bodhisattva qui s’impose un devoir de compassion à titre de discipline personnelle doit s’abstenir de consommer de la viande afin de ne pas terroriser les êtres animés.  Il est faux d’affirmer que la viande est une nourriture indiquée et recommandée dans les cas suivants : si le bodhisattva n’a pas tué lui-même l’animal, s’il n’a pas demandé à d’autres de s’en charger ou si la mort de l’animal ne s’est pas produite spécialement pour lui. Dans les générations à venir, certains avanceront, de différentes manières, maints arguments savants justifiant la consommation de viande afin d’assouvir leur désir de chair animale… mais…. je dis que la consommation de viande sous toutes ses formes, de quelque manière que ce soit, est interdite partout, pour toujours et sans exception. Je n’ai jamais permis la consommation de viande à qui que ce soit, je ne la permets pas et je ne la permettrai jamais ».

Dans le Suran Gama Sutra, on peut lire : « Ceux qui mangent de la viande ne sont pas de vrais disciples de Bouddha, ils n’atteindront jamais l’illumination ».

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Abus physiques et sexuels

En juillet 2017, huit anciens proches disciples de Sogyal  ont envoyé à celui-ci, ainsi qu’à 1 500 membres de Rigpa, une longue lettre de dix pages dénonçant ses « abus physiques, émotionnels, psychologiques et sexuels », ainsi que son mode de vie « extravagant et avide » : « Vous exigez que toutes sortes de nourritures vous soient préparées, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, par vos cuisiniers personnels et leurs assistants (…) des conducteurs et des masseuses disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour vous servir, vous emmener, vous et votre entourage, au cinéma, dans des restaurants coûteux, des centres commerciaux et des lieux particuliers où vous pouvez fumer vos coûteux cigares… Une grande partie de l’argent utilisé pour satisfaire vos appétits pour le luxe vient des dons de vos étudiants, qui croient que leur offrande est utilisée pour propager la sagesse et à la compassion dans le monde. »

Ils écrivent aussi: « On nous a intimé de nous dénuder, de vous montrer nos parties génitales (hommes et femmes), de vous faire une fellation, de nous faire manipuler sexuellement, de vous donner des photos de nos parties génitales, de faire l’amour avec notre partenaire dans votre lit, et de vous décrire nos relations sexuelles avec notre partenaire.  Vous avez donné l’ordre à vos étudiants de photographier vos assistants et vos maîtresses nues, et forcé d’autres étudiants à en faire à votre
intention des collages pornographiques que vous avez montré à d’autres. Vous avez offert l’une de vos assistantes à un autre lama (bien connu à Rigpa) pour ses ébats sexuels. Depuis des décennies vous avez continuellement, et continuez à avoir des
relations sexuelles avec vos étudiantes et assistantes, dont certaines sont mariées. Vous nous avez intimé de mentir en votre nom, de dissimuler vos relations sexuelles à vos autres maîtresses. »

Peu de temps après la publication de cette lettre, un communiqué de presse de Rigpa annonçait que Sogyal prenait sa retraite en tant que directeur spirituel de l’organisation.

Une enquête indépendante a été instituée par une firme d’avocats sur les allégations  portées contre Sogyal. Dans son rapport d’enquête, l’avocat Lewis Silkin déclare :  « Toutes les allégations contre Sogyal Lakar ne sont pas confirmées… mais, compte tenu des preuves dont je dispose, je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités :  des étudiants de Sogyal Lakar… ont été victimes de sévices physiques, sexuels et émotionnels graves de sa part ; et que de hauts responsables au sein de Rigpa étaient au moins au courant de certains de ces problèmes et qui ne les ont pas traités, laissant d’autres personnes en danger. »

Le Dalaï-lama savait?

Le Dalaï-lama était-il au courant des abus sexuels de Sogyal ? Dans son livre Les Dévots du bouddhisme, l’autrice Marion Dapsance, est catégorique : « Après des premières accusations dans les années 90 au sujet de Sogyal Rinpoché, le Dalaï-lama avait refusé de signer une charte de bonne conduite pour les lamas qui enseignent en Occident. Soit il y a des questions d’argent, soit, et c’est plus probable, ils veulent garder une vitrine d’unité car le Dalaï-lama est en exil et ne veut pas donner une mauvaise image du bouddhisme tibétain ».

Ce n’est qu’en 2017, que le Dalaï-lama a publiquement frappé de « disgrâce » ce Sogyal qu’il décrivait lui-même comme son ancien « très bon ami ».

Après avoir quitté Rigpa et atteint d’un cancer du colon avec métastases au foie, Sogyal s’est enfui en Thailande pour y recevoir des traitements. Maintenant âgé de 72 ans, il souffre aussi de diabète depuis plusieurs années. Il n’a jamais offert d’excuses, d’explications ou exprimer des remords face aux  accusations le visant.

Mise à jour

Sogyal est décédé en août 2019. Le même jour, l’Association Rigpa publiait une déclaration d’une terrible hypocrisie :  « C’est avec une profonde tristesse que nous annonçons le décès du fondateur de Lérab Ling, Sogyal Rinpoché. Il est décédé le mercredi 28 août 2019, en Thaïlande, à la suite de complications survenues pendant son traitement contre le cancer. Sogyal Rinpoché demeure en ce moment en thoukdam. Cet état se produit lorsqu’un pratiquant qui a atteint la réalisation continue, au moment de la mort, continue à reposer dans la reconnaissance de la nature de l’esprit.(…) Ses étudiants sont maintenant entrés dans une période de prières et de cérémonies qui traditionnellement s’étendra sur au moins sept semaines. Dans le bouddhisme tibétain, la période de quarante-neuf jours suivant le moment de la mort est considérée comme particulièrement cruciale pour la pratique spirituelle. C’est pour cette raison que vous pourrez être témoin de beaucoup de cérémonies dans notre temple principal, ainsi que de nombreuses gerbes de fleurs et de bougies autour de ses portraits sur l’autel. Nous sommes profondément touchés par le nombre de condoléances reçues qui reconnaissent Sogyal Rinpoché et son œuvre, ainsi que par la gentillesse et l’amitié sincères du public, des lamas et des amis du monde entier envers le sangha de Rigpa.»

Sources:

Les dévots du bouddhisme, Marion Dapsance, Édition Max Milo, 2016 

Sex and Violence in Tibetan Buddhism: The Rise and Fall of Sogyal Rinpoche, juillet 2019.

Les larmes du bodhisattva, Shabkar, Éditions Padmakara, 2005.

https://www.lionsroar.com/wp-content/uploads/2017/07/Letter-to-Sogyal-Lakar-14-06-2017-.pdf

https://liberationanimale.files.wordpress.com/2019/07/664a6-lewissilkinreportfrench.pdf

https://www.telegraph.co.uk/men/thinking-man/sexual-assaults-violent-rages-inside-dark-world-buddhist-teacher/