(Marjolaine Jolicoeur) – En ces temps étranges de confinement, nos chats – mais aussi nos chiens – demeurent nos plus fidèles compagnons. Ils s’avèrent une présence réconfortante dans notre quotidien bouleversé.
« J’aime les chats, parce que j’aime ma maison et qu’ils en deviennent, peu à peu, l’âme visible », écrivait Jean Cocteau. C’est de l’âme de sa chatte Alice dont nous parle l’auteur dans ce court texte d’une centaine de pages aux accents poétiques, nostalgiques, un peu triste, mais se terminant dans la lumière.
Alors qu’il se remet difficilement de la mort de ses parents et sombre dans une profonde dépression, l’auteur rencontre une chatte errante et maladive. Une réelle amitié s’installe alors entre eux et Alice lui permet de voir autrement la vie, d’accepter la mort, de se reconnecter au monde des vivants malgré son chagrin et même de s’éveiller spirituellement.
Pour y arriver, il devra expérimenter toutes les étapes du deuil : « Quand quelqu’un que nous aimons meurt, nous commençons à vivre sur la terre de la mort. Et le deuil de l’être que nous aimions doit se faire rapidement dans nos sociétés. On alloue à quiconque se rétablissant d’une jambe fracturée plus de temps pour guérir qu’à ceux d’entre nous aux prises avec le vide laissé dans nos vies par la mort d’un être aimé. Personne ne peut prédire ou prescrire le temps dont nous aurons besoin. »
En observant Alice, il découvrira le fait de vivre totalement dans l’immédiateté du moment et du lieu, dans le moment présent. Et puis, l’optimisme de cette chatte est contagieux, « elle était une publicité ambulante pour la vie ».
Il apprend à la connaître sans un langage parlé, mais au moyen de signes et de symboles porteurs de sens : « Dans ses premières rencontres avec la vie, elle ne tenait rien pour acquis. Tout était remarquable. Être simplement témoin de cette explosion d’énergie était inspirant. L’expérience d’Alice dans cet étrange nouveau lieu, le monde, semble avoir été un catalyseur pour ma propre nouvelle appréciation de la vie ».
Une enseignante féline
« Il n’y a pas de chat ordinaire », disait l’écrivaine Colette, grande amoureuse des créatures félines, libres et insoumises.
Chaque chat a une personnalité et un caractère qui lui est propres, pense aussi l’auteur de Mon chat m’a sauvé la vie. Il n’hésite pas à soutenir que la race humaine est en quelque sorte « raciste au niveau des espèces », ouvrant ainsi la voie à d’intéressantes discussions sur le statut moral des animaux : « Pour nous, seul un humain pouvait avoir les caractéristiques d’une personne, pouvait être un individu avec des sentiments, une reconnaissance, une unicité, une âme. Cependant, le comportement d’Alice démontrait tous ces attributs. Elle avait une personnalité – de dimension vaste et variée. »
Et il ajoute « qu’en refusant ce concept de “soi” aux autres animaux, nous maintenions notre position de supériorité par rapport à eux. Du haut de ce sommet, c’était plus facile pour nous de les contrôler, de faire des expériences sur eux, et de les tuer ».
Finalement, sa compagne féline l’aura ouvert au monde des animaux où les humains ont leur propre place, « ni seigneurs ni maîtres, mais comme faisant simplement partie de l’ordre des choses ».
Après plusieurs années de compagnonnage, Alice meurt. L’ampleur du chagrin peut être aussi intense que pour la perte d’un humain, note l’auteur, mais il est parfois difficile de le révéler aux autres, car pleurer la disparition de son chat – ou de son chien- peut sembler futile pour plusieurs : « C’est peut-être le plus solitaire des deuils »…
« J’ai vu qu’Alice m’avait appris non seulement sur la vie, mais aussi sur la mort; pas seulement comment vivre, mais comment mourir. Je n’avais qu’à la regarder. Mon chat m’a éveillé. »

Mon chat m’a sauvé la vie, Phillip Schreibman, traduit par Marie-Andrée Michaud, mars 2020
Pour se le procurer : emamichaud@sympatico.ca / Prix : 30 $